Le silence, outil redoutable

Le silence est une arme redoutable pour celui qui sait l’utiliser et un très bon accompagnateur dans les conflits aussi bien professionnels qu’affectifs. Ne soyez pas victime du silence, soyez-en maître !

Nous avons tendance à trop parler, trop nous dire. Vite répondre. La bonne  réponse. Les bons chiffres. Les bons mots. Persuadé que la clef se trouve dans ce qui est dit. Or, parfois le silence à un bien plus grand pouvoir que toute parole. Il permet d’avoir la main dans certaines situations de conflit ou de négociation. Il permet à l’autre de projeter et à vous de l’observer et de comprendre ce qui l’habite. Enfin il permet de ne pas constamment livrer à autrui votre mode d’emploi.

Le silence dans les conflits ou la négociation

Le silence est très utile dans toute situation où il y a un enjeu dans la finalité. Dans un conflit par exemple, que ce soit entre collègues ou avec la hiérarchie, si vous vous empressez de rentrer dans la discussion ou dans l’échange de propos, vous montrez à l’autre deux choses. Premièrement, là où vous vous situez, comment vous vivez l’événement. Vous ne lui laissez donc pas le temps de se poser des questions. De s’inquiéter. Où tout simplement d’y réfléchir et de se remettre en question.

Deuxièmement, par votre précipitation à répondre vous montrez votre non tranquillité ou tout du moins que cela vous travaille. Si au cœur de vos mondes affectifs ce ne serait pas risqué, dans votre monde professionnel, avec les enjeux professionnels qui sont souvent centraux, il vaut mieux réfléchir ses réactions et donc son positionnement.

Lorsqu’un conflit éclate, sachez garder votre silence un temps. Entendons-nous bien, garder le silence ne signifie pas rester muet face à une attaque. Garder le silence en revient à s’isoler intérieurement, prendre le temps de la réflexion, et permettre à l’autre soit d’en faire de même soit de s’inquiéter de ce sur quoi vous êtes en train de réfléchir. Il ne doit donc pas accéder à votre ressenti. Ni dans vos expressions, ni dans vos réactions. Apprenez à être, l’espace d’un temps, livre fermé, sans expression et laissez l’autre avec ses actes.

Vous allez donc créer chez lui de la projection. Il va, dans votre silence, voir soit da la colère, du reproche, soit de la tristesse, de la méfiance. Vous allez voir en l’autre ce que lui craint de voir chez vous. Cela vous donnera plusieurs indices : ses failles, son interprétation de la réalité, et comment vous positionner par la suite. Que ce soit avec votre boss ou avec un collègue, le silence s’utilise de la même façon, une protection entre vous et vos émotions, vous et autrui, vous et les réactions trop à chaud.

Dans les négociations, le silence est aussi très utile car comme nous vous l’expliquions plus haut, il vous permettra d’accéder aux failles de celui qui est en face de vous. Nous l’aborderons plus en profondeur dans un prochain article, mais globalement en situation de négociation, le silence va vous permettre de faire douter l’autre. Sur ce qu’il dit, sur ce que vous pensez. Le silence brouille les pistes. Et comme le propre d’une négociation passe par une bonne appréciation de celui qui nous fait face, si vous apprenez à brouiller les pistes vous aurez alors la main sur la situation.

Silence et projection

Nous l’avons dit plus haut, le silence pousse l’autre qui nous fait face à la projection. Pourquoi ? Parce que sans les mots, l’autre imagine. Et ce que l’on s’imagine est toujours bien pire que la réalité. Nous avons tous déjà fait l’expérience d’une personne qui garde le silence quand la situation prend une orientation négative, qui coupe la conversation et la sensation qui s’ensuit, de vide, d’incompréhension, et de projection.

Sentiment que l’autre est fâché, vexé, blessé, qu’il nous juge, qu’il nous trouve en dessous de tout, que l’on va être réprimandé s’il s’agit d’une personne en position hiérarchique supérieure. Le silence de l’autre est alors infiltré par l’angoisse et l’imagination. Et souvent par nos propres peurs, de ce que nous n’aimerions finalement pas voir en l’autre.

Alors finalement, intéressant de comprendre que celui qui garde le silence est celui qui maîtrise. Celui qui suit, le subit. D’où l’intérêt d’être à l’aise avec le silence et de savoir l’utiliser à bon escient, de manière éthique et positive.

Silence et protection

En situation de conflit professionnel ou affectif le temps du silence est protection parce que la parole vous expose. Lorsque vous vous dites, vous livrez à l’autre vos fonctionnements. Et lorsque, en plus cela vient à chaud, vous exprimez votre sensibilité ou votre ressenti et non pas les faits ou ce que vous avez vraiment envie d’en dire. Ainsi l’autre finit par accéder à votre mode d’emploi. Il sait vos pourquoi et vos comment avant même que vous en preniez conscience.

Par exemple, si votre boss vous réprimande à tort sur votre manière de travailler et que vous vous empressez de lui prouver le contraire, ce qu’il en percevra c’est de la justification, et que vous êtes déstabilisé. Si vous lui répondez avec colère et agressivité, il saura alors que chez vous le reproche mène à l’agressivité justement. Mais si vous respectez un temps de silence. Qu’il se retrouve confronté à un vide l’espace d’un moment, vous semez le doute en lui et cela vous laisse le temps de réfléchir à ce que vous voulez mettre en place, ce que vous voulez faire vous.

De manière plus banale, hors conflit, être silencieux, ne pas forcément se raconter ne fait pas de vous quelqu’un d’asocial ; au contraire cela peut aussi vous permettre de ne pas déposer chez autrui tout ce qui fait votre vie. Vous ne devez à personne vos ressentis, vos pensées, votre quotidien. La vérité nous ne la devons en premier lieu qu’à nous-mêmes. Et ne pas répondre, ou garder le silence sur ce qui nous habite n’est pas mentir. Au contraire c’est un choix et cela permet d’avancer en connaissance de cause.

Ainsi si vous êtes directeur et que des actionnaires vous imposent/posent de nouvelles actions que vous ne vous sentez pas de faire, inutile de le formuler ainsi, cela donnerait une image fébrile de vous. Gardez le silence sur ce que vous ressentez vraiment et tirez un autre fil pour arriver à la même conclusion : manque de temps, d’effectif, problème administratif par exemple. Pourquoi ? Pour éviter d’exprimer quelques chose qui fait partit plus d’une impression à tort ou à raison que des faits. Et qui expose vos angoisses à vous .

Idem si vous êtes un commercial brillant et que l’on vous demande de livrer vos clefs. Soit vous en faites le choix et c’est positif, soit vous ne souhaitez pas livrer vos clefs à une entreprise qui ne cherche que le profit, et dans ce cas gardez le silence sur ce qui vous habite vraiment, et prenez d’autres variables plus ou moins véridiques pour exprimer votre réussite.

Le silence est donc un outil, un positionnement intérieur, et une force. Difficile à acquérir mais lorsque l’on sait être silencieux, alors on sait écouter le silence et entendre ce qui s’y murmure.

 

Auteur : Fanny Bauer-Motti

Retrouvez l’article sur : Le Journal du Net

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